Rouge comme une tomate
Ou comment ce légume pas si timide a conquis le monde
Les tomates sont des fruits originaires du Pérou et de l’Équateur, qui ont été cultivées depuis plus de 1 000 ans avant leur découverte par les conquistadors espagnols. Ils les ont trouvées au Mexique, chez les Aztèques, au XVI siècle. Les tomates ont été importées en Europe par les Espagnols et plantées pour la première fois à Séville en 1523.
La première description, que l’on doit au médecin et botaniste italien Pietro Andrea Mattioli, en 1544, dépeint alors une tomate à fruits jaunes, la pomodoro, la pomme d’or. Il lui faudra dix ans pour préciser qu’il en existe aussi des rouges. Les Italiens lui donnent alors le nom de pomo d’amore, pomme d’amour.
C’est en 1754 que le botaniste d’origine écossaise, Philip Miller, arrête son nom scientifique, Lycopersicon, qui signifie pêche de loup. Si, au début du XVII siècle, elle est cultivée dans le sud de l’Europe, jusqu’au milieu du XVIII siècle, elle est plutôt vue comme une plante décorative plus au nord. Comme elle appartient à la même famille que la mandragore, la belladone et la morelle, trois solanacées extrêmement toxiques, les botanistes s’en méfient. C’est seulement en 1778 que les grainetiers français du nord de la France considèrent pour la première fois que la tomate est une plante potagère. En 1785, ils la classent enfin comme un légume.
La tomate est un légume très apprécié en Espagne, en Italie, au Portugal et dans le sud de la France, où elle est présente depuis au moins 150 ans avant la Révolution française. Certains ethnobotanistes pensent même que plus de 2 000 variétés auraient existé dans ces régions à l’époque.
En Angleterre et en général dans les pays anglo-saxons, de la fin du XVI siècle jusqu’au XVIII siècle, les tomates ont été considérées comme dangereuses. Il faudra attendre le XIX siècle pour que les Anglais commencent à les consommer.
Après trois siècles de domestication européenne, c’est vers 1810 que les tomates font leur entrée aux États-Unis, du côté de la Louisiane. D’abord conseillée par Thomas Jefferson, troisième président américain et grand amateur d’agronomie, la tomate aurait trouvé un grand promoteur chez l’horticulteur et gentleman-farmer Robert Gibbon. Aux États-Unis, la culture à grande échelle commence entre 1835 et 1840. En 1852, en Ohio, Alexander W. Livingston crée la A.W. Livingston Buckeye Seed Gardens, où il consacre près de 30 ans à améliorer les variétés de tomates. Il en créa ainsi plus d’une trentaine, considérée à présent comme la base génétique des tomates américaines.
Les premières tomates arrivent au Québec en 1850, vraisemblablement en provenance des États-Unis, mais peut-être aussi de Grande-Bretagne, car à l’époque, les grainetiers anglais approvisionnaient le dominion en plantes et semences de toutes sortes.
Les botanistes ont peu d’informations sur le parcours de la tomate vers l’Asie. Celui-ci s’est fait, on peut émettre cette hypothèse, depuis l’Italie vers le Proche-Orient, puis l’Orient et l’Afrique. Les Portugais auraient aussi pu y participer. Les conditions climatiques favorables ont sûrement aidé à sa diffusion. Il semblerait que cette migration ait eu lieu entre le début et la fin du XIX siècle.
La production mondiale de tomates est de 182 millions de tonnes en 2021.
Diffusion de la tomate :
- Pérou, centre de diversification,
- Mexique : premier centre de domestication,
- Europe : deuxième centre de domestication,
- États-Unis : troisième centre de domestication.
La production de tomates a connu une croissance fulgurante en Asie, passant de 7,6 millions de tonnes à 111,7 millions de tonnes, soit une multiplication par 14,7.
En Afrique, la production de tomates a également fortement augmenté, passant d’environ 2 millions de tonnes à 20,8 millions de tonnes.
Les autres continents ont également vu leur production augmenter mais dans des proportions moindres :
- x 3,7 pour l’Amérique,
- x 2,6 pour l’Océanie et
- x 2,1 pour l’Europe.
Bien que les tomates soient comestibles, leur feuillage et leurs fruits verts sont toxiques. Ils contiennent des alcaloïdes, de la solanine et de la tomatine, qui disparaissent du fruit à maturité. Une fois cuits, les fruits verts perdent leur toxicité.
Certaines personnes ont de la difficulté à digérer les tomates. Cela est dû au fait que, même après mûrissement complet, les graines contiennent encore une quantité plus ou moins importante d’alcaloïdes. La solution pour contrecarrer ce problème consiste à les épépiner, les Provençaux disent approprier, c’est-à-dire rendre propre les tomates avant de les manger.
Dans plusieurs pays méditerranéens (Italie, Espagne, Grèce), les consommateurs affectionnent les tomates à collet vert ou jaune. C’est un trait de caractère ancien 1.
La tomate est une source de vitamines et d’oligoéléments, et contient aussi du lycopène, un pigment antioxydant. C’est ce composé, proche du carotène, qui donne les couleurs rouges aux tomates.
La tomate est un fruit fascinant qui peut être cultivé sous presque toutes les latitudes, le signe d’une très forte plasticité. Dans ses conditions naturelles, elle préfère les jours longs et demande de la chaleur. Elle s’est donc prodigieusement adaptée à toutes sortes de conditions et sa consommation est même constamment en hausse, que ce soit sous forme fraîche ou destinée à la transformation.
Joël SIMONNET
Ingénieur pédagogique, expertise en agroécologie et permaculture